2

Aloysius Pendergast etait assis sur un banc a cote de Constance Greene dans l’un des pavillons les plus recules du monastere de Gsalrig Chongg. Depuis les fenetres en pierre de la piece, on apercevait les sommets de l’Himalaya baignes dans une lumiere rosee, et le grondement de la cascade, a l’entree du defile du Llolung, leur parvenait comme assourdi. Au moment ou le soleil s’effacait de l’horizon, le son caracteristique d’une trompette dzung traversa l’espace en se reverberant sur les montagnes.

Deux mois s’etaient ecoules et juillet avait signale l’arrivee du printemps dans les hauts contreforts de l’Himalaya. Les vallees s’etaient habillees d’herbe verte parcourue de fleurs sauvages, le rose des aubepines parsemant les collines de touches colorees.

Pendergast et sa protegee observaient le paysage en silence. Quinze jours les separaient du terme de leur sejour.

La plainte du dzung resonna a nouveau alors que les ultimes rayons du soleil incendiaient l’Annapurna, le Manaslu et le Dhaulagiri, trois des dix plus hauts sommets du monde. La nuit ne tarda pas a envelopper la vallee, la recouvrant d’une eau noire.

Pendergast emergea le premier de sa reverie.

— Vous avez fait de grands progres. Le superieur est particulierement content de vous.

— Oui, repondit la jeune femme sur un ton detache.

Pendergast posa une main legere sur celle de sa compagne.

— Nous n’en avons pas encore parle, mais je voulais vous demander si… si tout s’etait bien passe a la clinique Feversham. S’il n’y avait pas eu de complications au cours de… euh, de l’operation.

Chose rare chez Pendergast, il peinait a trouver les mots justes.

Le regard de Constance restait perdu au milieu des neiges eternelles et il crut bon d’ajouter :

— Vous auriez du me laisser vous accompagner.

Elle baissa la tete tout en conservant le silence.

— Constance, vous savez a quel point je tiens a vous. Je ne vous l’ai peut-etre pas clairement fait comprendre jusqu’a present. Si c’est le cas, veuillez m’en excuser.

Rougissante, Constance baissa la tete un peu plus encore.

— Je vous remercie.

Cette fois, son detachement apparent avait laisse place a un soupcon d’emotion. Brusquement, elle se leva en evitant de croiser le regard de son compagnon.

Pendergast l’imita.

— Vous voudrez bien m’excuser, Aloysius, mais j’ai besoin d’etre seule un moment.

— Bien sur.

Elle s’eloigna et il regarda sa silhouette menue disparaitre au detour d’un couloir. Pensif, il se tourna vers les montagnes.

Tandis que l’obscurite prenait possession du pavillon, le chant du dzung se tut, la derniere note se reverberant longtemps entre les parois rocheuses. La nature s’etait figee, comme paralysee par l’arrivee de la nuit. Une silhouette se materialisa soudain dans l’ombre du pavillon, celle d’un vieux moine vetu d’une tunique orange. D’une main seche, il adressa a Pendergast ce curieux mouvement du poignet qui sert d’appel muet au Tibet.

Pendergast s’avanca lentement vers le vieil homme qui fit volte-face et s’enfonca dans l’obscurite d’un pas trainant.

Intrigue, Pendergast suivit le moine. Ils parcoururent une longue suite de corridors en direction de la cellule dans laquelle etait emmure un moine anachorete. De sa propre volonte, ce dernier vivait retire en meditation dans une piece tout juste assez grande pour y tenir assis. Il y resterait jusqu’a la fin de sa vie, nourri une fois par jour d’un peu de pain et d’eau passes par le trou d’une brique non scellee.

Le vieux moine s’arreta devant la cellule que fermait un mur sombre aux pierres polies par les milliers de mains des pelerins venus sonder l’immense sagesse de l’anachorete. On murmurait qu’il etait isole la depuis l’age de douze ans ; bientot centenaire, il etait celebre pour ses dons d’oracle.

Le moine gratta la pierre de l’ongle a deux reprises et attendit. Au bout d’une minute, la brique non scellee s’enfonca imperceptiblement dans son alveole et une main decharnee aux veines translucides, d’une blancheur irreelle, fit pivoter la brique en degageant un faible espace.

Le moine se pencha vers le mur et murmura des paroles inintelligibles, puis il colla l’oreille a la hauteur du trou. Plusieurs minutes s’ecoulerent avant que Pendergast percoive un murmure lointain, de l’autre cote de la paroi. Le moine se redressa, apparemment satisfait, et fit signe a Pendergast de le rejoindre. En s’approchant, ce dernier vit la brique reprendre sa place.

Soudain, un raclement traversa la roche a cote de la cellule et une mince faille se fit jour, devoilant une porte de pierre qui coulissa en grincant, mue par un mecanisme invisible. Une forte odeur d’encens parvint jusqu’a Pendergast, qui s’avanca dans l’ouverture a l’invitation du vieux moine. A peine avait-il franchi le seuil que la porte se referma derriere lui.

Le moine ne l’avait pas suivi et Pendergast se retrouva seul.

Il ne tarda pas a voir apparaitre un autre moine tenant a la main une bougie couverte de larmes de cire. Au cours de ces dernieres semaines a Gsalrig Chongg, comme lors de ses visites precedentes au monastere, Pendergast avait eu l’occasion de se familiariser avec les visages de tous les moines, mais celui-ci lui etait inconnu. Il comprit alors qu’il venait de penetrer dans le saint des saints, ce sanctuaire cache dont il avait entendu parler sans que personne ne lui en confirme jamais veritablement l’existence. L’acces de ce lieu sacre, interdit a tous, etait donc place sous la garde de l’anachorete. Il s’agissait d’un monastere a l’interieur du monastere, au sein duquel vivaient cloitres une demi-douzaine de moines ayant dedie leur existence a la meditation et a la maitrise de l’esprit. A en croire la rumeur, ils vivaient totalement coupes du reste du monde et n’entretenaient aucun contact avec les moines du sanctuaire principal, au point que la vue du soleil aurait pu leur etre fatale.

Pendergast suivit l’etrange moine dans un etroit couloir qui s’enfoncait dans les profondeurs du batiment. A mesure qu’il avancait, les parois devenaient de plus en plus grossieres ; taillees a meme la roche un millenaire auparavant, elles etaient recouvertes d’une mince couche de platre sur laquelle s’etalaient des fresques abimees par le temps et l’humidite. Le couloir fit un premier coude, puis un autre. De petites cellules contenant des bouddhas et des thangkas s’ouvraient dans la paroi a intervalles reguliers, eclairees par des bougies dans une odeur d’encens entetante. Le lieu etait desert.

Au terme d’un trajet interminable, les deux hommes s’arreterent devant une porte bardee de barres de fer rivetees. Le moine brandit une cle qu’il fit peniblement tourner dans la serrure et le battant s’ecarta.

Pendergast decouvrit une petite piece qu’eclairait a peine une lampe a beurre. Les murs etaient habilles de panneaux de bois incruste et poli. Des effluves resineux traversaient la cellule et il fallut quelques instants a Pendergast pour distinguer dans l’obscurite un entassement de tresors insolites. Des dizaines de coffres d’or pur s’alignaient le long du mur du fond, leurs couvercles soigneusement fermes. A leur pied, des pieces d’or de toutes sortes s’echappaient de vieux sacs de cuir a demi manges par la moisissure : des souverains anglais, des stateres grecs, des mughals… Plusieurs cassettes en bois, gonflees par l’humidite, etaient empilees sur le sol, debordant de rubis, d’emeraudes, de saphirs, de diamants, de turquoises, de tourmalines et de cristaux de peridot. D’autres encore contenaient de petits lingots d’or ainsi que des kobans japonais de forme ovale.

Des tresors d’une autre nature se superposaient pres du mur de droite : des chalemies et des kanglings d’ebene et d’ivoire, incrustes d’or et de pierreries, des cloches d’argent, des cranes humains decores de metaux precieux savamment travailles a l’aide d’eclats de turquoise et de corail. Un peu plus loin se dressaient des statues d’or et d’argent, l’une d’entre elles recouverte de centaines d’etoiles de saphir, tandis que des bols, des figurines et des plaques de jade patientaient sagement dans des caisses remplies de paille.

Un tresor plus precieux encore attendait Pendergast : a gauche de la porte, soigneusement ranges dans des casiers, s’amoncelaient des centaines de parchemins poussiereux et de thangkas roules, retenus a l’aide de fils de soie.

Cette accumulation de richesses etait si surprenante que Pendergast, le souffle coupe, ne remarqua pas immediatement l’etre assis sur un coussin dans un coin de la piece, jambes croisees.

Apres s’etre incline en joignant les mains, son guide s’eclipsa en verrouillant derriere lui la lourde porte blindee et le moine assis en tailleur invita son visiteur a prendre place en face de lui sur un coussin.

— Asseyez-vous, je vous en prie, dit-il en anglais.

Pendergast lui repondit par une courbette avant d’obeir.

— Cette piece est pour le moins extraordinaire, declara-t-il. Tout comme l’encens que vous utilisez.

— Nous sommes les gardiens du tresor de ce monastere. Son or, son argent et toutes ces choses perissables que le monde considere comme des richesses.

L’homme s’exprimait dans un anglais elegant, avec un leger accent d’Oxford.

— Nous sommes egalement les depositaires de la bibliotheque et des peintures religieuses du Gsalrig Chongg, poursuivit-il. Quant a l’encens auquel vous faites reference, il s’agit de dorzhan-qing, la resine d’une plante que nous veillons a faire bruler en permanence afin d’eviter les ravages des vers a bois propres a cette region de l’Himalaya. Ils sont particulierement voraces et s’empresseraient de devorer bois, soie et papier si nous n’y prenions pas garde.

Pendergast hocha la tete en observant attentivement son interlocuteur. L’homme, d’une grande maigreur, etait incroyablement bien conserve pour son age. Sa tunique rouge orange etait impeccablement serree contre son corps noueux et il etait rase de pres. Ses pieds nus etaient noirs de crasse. Son regard grave brillait d’intelligence dans un visage parfaitement lisse.

— Vous vous demandez surement qui je suis, et pourquoi je vous ai fait venir jusqu’ici, reprit le moine. Je me nomme Thubten. Enchante de faire votre connaissance, monsieur Pendergast.

— Dois-je vous appeler lama Thubten ?

— Nous n’avons pas d’appellation specifique au sein de ce temple cache, repliqua l’homme en se penchant vers son interlocuteur et en posant sur lui un regard intense. J’ai cru comprendre que votre occupation professionnelle consistait a… je ne sais pas tres bien comment exprimer la chose, mais votre occupation professionnelle consisterait a vous immiscer dans les affaires des autres afin de redresser les torts qui auraient pu etre commis a leur endroit. C’est bien ca ? En quelque sorte, vous resolvez des enigmes en faisant la lumiere sur le mystere et les tenebres.

— C’est une facon originale de resumer mes activites, mais c’est a peu pres cela.

Le moine se cala sur son coussin, rassure.

— J’en suis heureux. J’avais peur de m’etre trompe, dit-il avant d’ajouter dans un murmure : Eh bien, nous avons actuellement une enigme a resoudre.

Pendergast l’invita a poursuivre.

— Continuez, je vous prie.

— Le superieur ne pouvait vous en entretenir directement, c’est pourquoi il a souhaite mon intervention. La situation est si grave que j’eprouve moi-meme les plus grandes difficultes a… a vous en parler.

— Vous avez fait preuve de beaucoup de generosite a mon endroit comme a celui de ma pupille, affirma Pendergast. Je serais heureux de vous etre utile a mon tour. Dans la mesure de mes modestes moyens.

— Je vous remercie. L’affaire dont je dois vous entretenir est liee a certains details secrets.

— Vous pouvez compter sur ma discretion.

— Je commencerai par vous dire quelques mots sur moi-meme. J’ai vu le jour dans une region isolee de l’ouest tibetain, riveraine du lac Manosawar. Enfant unique, j’ai perdu mes parents dans une avalanche avant meme d’atteindre l’age de un an. J’ai alors ete adopte de facon informelle par un couple de naturalistes anglais qui effectuaient des recherches en Mandchourie, au Nepal et au Tibet. Ils ont eu pitie de l’orphelin que j’etais et m’ont recueilli. Je suis reste aupres d’eux pendant dix ans tandis qu’ils parcouraient la region, multipliant les observations, les croquis et les notes. Un soir, une bande de soldats errants sont tombes sur notre tente et ils ont tue mes parents adoptifs avant de bruler leurs depouilles ainsi que toutes leurs possessions. Seul, j’ai reussi a leur echapper.

<< Vous imaginerez sans peine ma detresse apres avoir perdu les miens pour la seconde fois. Au cours de mes errances, je suis arrive jusqu'au Gsalrig Chongg ou j'ai commence par prononcer mes voeux avant d'entrer dans la partie secrete du monastere. Ici, nous consacrons notre existence terrestre a la maitrise du corps et de l'esprit, nous preoccupant des aspects les plus enigmatiques de l'existence. L'enseignement du Chongg Ran vous a permis de toucher superficiellement a certaines verites dont nous sondons les mysteres les plus profonds.

Pendergast inclina la tete en signe d’assentiment.

— Nous vivons ici totalement coupes du reste de l’humanite. Tout contact avec le monde exterieur nous est proscrit, nous ne sommes pas meme autorises a voir le ciel ou a respirer l’air du dehors. Nous sommes entierement tournes vers la vie interieure. Il s’agit d’un sacrifice immense, meme pour un moine tibetain, ce qui explique que nous soyons seulement au nombre de six. Nous sommes places sous la garde de l’anachorete, dans l’interdiction de communiquer avec d’autres etres humains. Il m’a fallu violer ce voeu sacre pour vous rencontrer, ce qui vous fera prendre la mesure de la gravite de la situation.

— Je comprends, acquiesca Pendergast.

— Les moines du temple interieur dont je fais partie ont certains devoirs. Outre les manuscrits, les reliques et les tresors du monastere, nous avons la garde de… l’Agozyen.

— L’Agozyen ?

— Il s’agit de l’objet le plus precieux de ce monastere, peut-etre meme du Tibet tout entier. Nous le conservons dans une niche fermee a cle, dans ce coin la-bas, precisa-t-il en designant une anfractuosite taillee dans la roche que protegeait une porte metallique entrebaillee. Une fois par an, les six moines du sanctuaire sacre se retrouvent dans cette piece afin de pratiquer une serie de rituels autour du coffre de l’Agozyen, Lorsque nous avons voulu le faire au mois de mai dernier, peu avant votre arrivee, nous nous sommes apercus que l’Agozyen avait disparu.

— Vous voulez dire qu’il avait ete vole ?

Le moine hocha la tete.

— Qui possede la cle de ce coffre ?

— Moi, et il n’y en a qu’une.

— Le coffre etait bien ferme a cle ?

— Oui. Et je puis vous assurer, monsieur Pendergast, qu’il est tout a fait impossible que l’un d’entre nous ait commis un tel sacrilege.

— Permettez-moi de douter de votre affirmation.

— Le scepticisme est salutaire.

L’etrange moine s’etait exprime avec une telle conviction que Pendergast ne jugea pas utile de repondre.

— L’Agozyen a quitte le monastere. Sinon, nous le saurions.

— Comment ?

— Je ne puis vous en dire plus. Mais croyez-moi, monsieur Pendergast, nous le saurions. Aucun des moines enfermes ici ne s’en est empare.

— M’autorisez-vous a jeter un coup d’oeil a ce coffre ?

Le moine hocha la tete en signe d’assentiment.

Tout en se levant, Pendergast tira de sa poche une petite lampe electrique et s’approcha de la niche dont il examina longuement la porte avant de sortir une loupe.

— La serrure a ete forcee, affirma-t-il en se redressant.

— Forcee ? Excusez-moi, je ne comprends pas ce mot.

— Cela signifie qu’elle a ete ouverte sans l’aide de la cle, expliqua Pendergast en se retournant brievement vers son hote. Vous affirmez qu’aucun des moines n’aurait pu s’en emparer. Avez-vous eu des visiteurs au monastere recemment ?

— Oui, repondit le moine avec l’ombre d’un sourire. Nous savons meme qui a vole l’Agozyen.

— Ah ! Voila qui simplifie grandement les choses. J’aurais besoin d’en savoir davantage.

— Debut mai, nous avons accueilli un jeune homme, un alpiniste. Il est arrive chez nous dans des circonstances assez particulieres. Il venait des regions de l’est, proches de la frontiere nepalaise. Il etait a l’article de la mort et se trouvait dans un etat d’epuisement physique et mental avance. Il s’agissait d’un alpiniste professionnel, unique survivant d’une expedition dont les autres membres avaient ete emportes par une avalanche en tentant l’ascension de la face ouest du Dhaulagiri. Contraint de traverser le massif avant de redescendre par la face nord, il s’etait introduit illegalement au Tibet. Il lui avait fallu marcher dans la montagne pendant trois semaines, traverser des glaciers et parcourir plusieurs vallees afin de parvenir jusqu’a nous. Il avait survecu en mangeant des petits rongeurs, des animaux assez nourrissants lorsqu’ils ont le ventre plein de baies sauvages. Il etait plus mort que vif lorsque nous l’avons recueilli, mais nous l’avons soigne et il a fini par se remettre. Il s’agissait d’un Americain repondant au nom de Jordan Ambrose.

— A-t-il beneficie de vos enseignements ?

— Il s’interessait assez peu au Chongg Ran. Il disposait pourtant de la volonte et des capacites necessaires pour reussir, a un niveau que nous n’avons jamais vu chez un Occidental… a part cette femme, bien sur. Cette Constance.

Pendergast hocha la tete.

— Comment savez-vous que c’est lui le coupable ?

Le moine ne repondit pas directement.

— Nous voudrions que vous retrouviez sa trace et que vous recuperiez l’Agozyen afin de rapporter cet objet sacre au monastere.

Pendergast acquiesca a nouveau.

— Ce Jordan Ambrose, a quoi ressemblait-il ?

Le moine sortit de l’interieur de sa tunique un petit manuscrit roule dont il detacha le ruban de soie.

— Notre specialiste du thangka a realise son portrait a ma demande.

Pendergast saisit le parchemin et l’examina. Le portrait etait celui d’un beau jeune homme proche de la trentaine aux cheveux longs et blonds, aux yeux bleus, dont les traits trahissaient la determination, l’intelligence et l’absence de scrupule. Le dessin etait particulierement reussi en cela qu’il traduisait parfaitement le physique et la personnalite d’Ambrose.

— Cela me sera tres utile, approuva Pendergast en repliant le parchemin avant de le glisser dans sa poche.

— De quoi d’autre auriez-vous besoin pour retrouver l’Agozyen ? s’enquit le moine.

— Il me faudrait savoir de quoi il s’agit exactement.

Le visage du moine se metamorphosa litteralement, trahissant sa mefiance et son inquietude.

— Je ne puis vous le dire, declara-t-il d’une voix a peine audible.

— Il le faut pourtant si vous voulez que je puisse retrouver cet objet.

— Je me suis mal fait comprendre. Je ne puis vous le dire tout simplement parce que je ne le sais pas moi-meme.

Pendergast fronca les sourcils.

— Expliquez-vous.

— L’Agozyen n’a pas quitte le coffret de bois dans lequel il se trouvait depuis le jour ou il a ete confie a la garde du monastere il y a un millenaire. Nous n’avons jamais ouvert le coffret, cela nous est strictement interdit, de sorte qu’il a ete transmis de Rinpoche en Rinpoche sans jamais etre vu.

— Comment se presente ce coffret ?

Avec les mains, le moine dessina une boite de quinze centimetres sur un metre.

— Une dimension inhabituelle. A votre avis, que pouvait contenir un tel coffret ? poursuivit Pendergast.

— Sans doute un objet long et fin. Une baguette, ou bien un sabre, a moins qu’il ne s’agisse d’un parchemin ou d’une peinture roulee. Des sceaux sacres peut-etre, ou bien encore une corde sacree nouee de facon particuliere,

— Que signifie le mot Agozyen ?

Le moine hesita avant de repondre.

— L’obscurite.

— Pourquoi vous etait-il interdit d’ouvrir cette boite ?

— Le fondateur de ce monastere, le premier Ralang Rinpoche, l’a recu des mains d’un saint homme venu d’Inde. Il a grave un texte d’avertissement sur les parois du coffret. J’ai ici une copie de cet avertissement que je puis vous traduire, si vous le desirez.

Le moine s’empara d’un parchemin redige en caracteres tibetains qu’il deroula d’une main tremblante avant de reciter :

Au risque de dechainer dans le dharma

Un monde de mal et de souffrance,

Faisant jaillir l’obscurite de l’obscurite,

A jamais l’Agozyen restera en penitence

— Le mot dharma fait-il reference aux enseignements du Bouddha ? demanda Pendergast.

— Dans un tel contexte, il s’agit d’une notion infiniment plus large, celle de la terre tout entiere.

— Voila qui est pour le moins inquietant.

— Le texte est tout aussi enigmatique dans sa langue originale, mais les termes laissent peu de place au doute. Il s’agit d’un avertissement terrible, monsieur Pendergast. Terrible.

Pendergast resta plonge quelques instants dans ses pensees.

— Comment un etranger a-t-il pu etre au courant de l’existence et de la valeur d’un tel objet ? Il y a longtemps, j’ai passe moi-meme un an dans ce lieu sans jamais en entendre parler.

— C’est bien le plus mysterieux. Jamais l’un de nos moines n’y aura fait allusion. L’Agozyen nous plonge tous dans la plus grande crainte et nous n’en parlons jamais, meme entre nous.

— Cet Ambrose avait des millions de dollars a portee de main avec toutes les pierres qui se trouvent ici. N’importe quel voleur se serait empare en priorite de l’or et des bijoux.

— Il faut croire qu’il ne s’agissait pas d’un voleur ordinaire, conclut le moine. L’or, les pierres ne sont que des tresors terrestres, ephemeres. L’Agozyen, a l’inverse…

— Oui ? insista Pendergast.

Le vieux moine se contenta d’ecarter les mains en posant sur Pendergast un regard anxieux.

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